Un Bachar vous veut du bien

———— La chronique de la Baronne ————

 

 

 

J’ignore si cette canaille de Bachar intoxique ou non sa population avec du gaz sarin, mais ma conviction profonde est que celui-ci a très probablement dû en inhaler une quantité non négligeable, certes non létale, mais assez puissante tout de même pour enrayer les rouages amphigouriques de sa boite crânienne…

Je me souviens à ce sujet d’une cérémonie donnée en l’honneur de Madame -c’était en 2008- à laquelle j’avais tout naturellement été invitée, et du regard persistant et furibond que ce cochon damascène ne cessait de porter sur les contours de ma robe en velours de Moldavie, alors que la gracieuse Asma s’obstinait de son côté à saluer l’ensemble des convives. Vous ne serez certainement pas surpris d’apprendre que l’ophtalmologue à la retraite avait su tout naturellement détecter les merveilleux atours de ma composition, délaissant sans difficulté le monocle en argent massif que lui avait offert son propre père, celui-là même qui fut si prompt à anéantir les insurgés en barbe de la tristement célèbre bourgade de Hama, un certain jour de 1982. Pour sûr, les chiens ne font pas des chats, comme se plait parfois à souligner Harald V de Norvège, mon arrière grand-oncle…

A l’issue du dîner par trop arrosé qui nous fut proposé à l’époque, l’entêté Bachar -profitant d’une énième absence de Madame trop affairée avec les grands de ce monde- avait fini par me faire de bien troublantes révélations, troublantes au point d’acquérir la conviction que la girafe baasiste avait visiblement fini par prendre goût à l’exercice de tyran :

« My dear Ursula, me glissa-t-il en retroussant de manière à peine voilée mon jupon à l’aide de son index, I am not a man of power. But this people needs to be given some directions. Hama is part of the past now, it’s been 26 years. If I want to put my label all around the globe, I need to show to the world that the giraffe has more than one trick up its sleeve. (…) Any idea ? » *

Lassé par la monotonie du pouvoir alors que la crise commençait à se répandre comme une traînée de poudre sur le monde, le grand échalas -qui ne souffrait pas la moindre moquerie- cherchait à marquer l’espace mondial de son empreinte au même titre que ses congénères arabes Kadhafi et Ben Ali, qui étaient également de la fête.

Voulant à tout prix me soustraire une bonne fois pour toutes aux grossières avances de notre hôte, je lui suggérais la chose suivante, sans mesurer les conséquences retentissantes de mes propos :

« Dear Bachar, a giraffe cannot become a lion overnight. So I strongly recommand you to follow the footsteps of your father. You reffered to the Hama episode, maybe is it time for you to put down the Islamist rebellion again ? » **

La girafe sanguinaire en devenir, encore vierge de tout bain de sang, se mit soudain à rosir, et je ne tardais pas à me rendre compte de mon forfait :

« The Islamists are a curse for our country. They lurk in every corner of Syria, eager to destroy the power I represent. We can not let them try to violate the system with impunity. Immediate action is needed, before it is too late. » ***

La suite est malheureusement connue de tous : deux années plus tard, profitant de manifestations pacifiques et sporadiques, la girafe convint de revêtir les habits du serval, ce félin à longues pattes capable tout à la fois de cracher, grogner et miauler. Malheureusement, c’est surtout en bête mugissante que se mua le ruminant, qui deux années plus tard se voit à son tour sanglé de son propre massacre au même titre qu’Hafez, et dans la lignée de son père, taquine secrètement l’espoir de voir renaître le Bilad al-Cham, cette Grande Syrie qui ne verra évidemment jamais le jour. La malédiction du peuple syrien est avant tout la mienne…

Ursula von Strasbourg

*Ma chère Ursula. Je ne suis pas un homme de pouvoir. Mais ce peuple a besoin d’orientations. Hama fait partie prenante du passé, cela fait 26 ans déjà. Si je veux parvenir à marquer le monde de mon empreinte, je dois montrer à tous que la girafe a plus d’un tour dans son sac. Des suggestions à me faire ? »

** Cher Bachar, une girafe ne peut pas se transformer en lion du jour au lendemain. Alors je vous recommande fortement de suivre les traces de votre père. Vous évoquiez l’épisode de Hama, peut-être le temps est-il venu de mater la rébellion islamiste à nouveau ? »

*** Les islamistes sont la malédiction de ce pays. Ils se terrent à chaque recoin de Syrie, prêts à en découdre avec le pouvoir que je représente. Nous ne pouvons les laisser impunément violer le système sans réagir. Il nous faut agir sur le champ. Avant qu’il ne soit trop tard. »

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Farouk Atig
Farouk Atig, ancien grand reporter, conférencier et enseignant, dirige Intégrales

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