Non, le FN n’est pas une clope électronique !

Le FN qui passe en force à Brignoles. Le FN qui n’est peut-être pas d’extrême droite. Le FN qui séduit de plus en plus le corps enseignant. Ces deux dernières semaines, le Front National a bénéficié d’un traitement édulcoré dans les médias, toutes tendances confondues. Comme si dans les esprits, le « Rassemblement » de Marine était au « Front » de Jean-Marie ce que la cigarette électronique est à la clope à combustion : nouveau, léger, propre, social, et sans effets néfastes avérés. 

Marine Le Pen, avec une cigarette électronique en bouche.
Marine Le Pen, avec une cigarette électronique en bouche.

D’abord, il y a eu l’épilogue du premier tour de la cantonale partielle à Brignoles (Var), que nombre de médias ont transformé en épopée électorale pour le Front National, au lieu de relativiser mathématiquement les résultats du scrutin par le taux d’abstention (66%). Aujourd’hui encore, date du second tour, les sites de presse ne dissimulent pas leur excitation pour une course aux urnes comme on n’en a jamais vues : « un FN en grande forme affronte une UMP sur ses gardes, promet de faire date. » (Le Huffington Post, 13/10/13). Le candidat du Front National, Laurent Lopez, est décrit dans la presse comme un outsider.  » Ce candidat FN inconnu »(Le Point, 13/10/13).  On en déduit que dans une France où ce sont toujours les mêmes qui sont au pouvoir, le Front National permet l’émergence de figures nouvelles et méritantes, si ce n’est méritoires. En décrivant le parcours du candidat Lopez comme l’on retrace une Success Story, la presse associe, bon gré mal gré, le Front National à cette chose positive que représente la réussite personnelle.

Le candidat FN de Brignoles, interrogé par les chaînes nationales de Télévision
Le candidat FN de Brignoles, interrogé par les chaînes nationales de Télévision

Puis, il y a eu cette Une de Libération, datée du 3 octobre.  » 100% extrême droite, appellation contrôlée ». Un ton léger qui risque de produire un effet contraire au dédain attendu de la part du lecteur. Le FN  est un produit AOC. Plus qu’un marquage identitaire, voilà l’extrême droite élevée au rang de marque. Si le parti hésitait encore à prendre le tournant marketing, condition indispensable d’une communication efficace, c’est désormais chose faite.

La Une de Libération, suite au débat : " le FN est-il un parti d'extrême droite ?"
La Une de Libération, suite au débat :  » le FN est-il un parti d’extrême droite ? », lancé par des déclarations de Marine Le Pen

Enfin, les lecteurs du Monde et du Figaro ont pris connaissance cette semaine l’existence du Collectif Racine. Voilà que l’on peut se permettre ouvertement d’envisager une compatibilité entre les thèses du Front National et l’idéal de l’instruction publique républicaine. Le billet publié le 11 octobre 2013 dans Le Figaro tire vers le Native Advertising politique. Sans doute par crainte de rabâcher des jugements de valeur éculés, l’article se contente de rapporter le propos au discours indirect.   » Un site web a été créé et les adhésions commencent à arriver, certifie Yannick Jaffré [secrétaire du collectif et professeur de philosophie à Lyon, NDLT] . », relève le quotidien, sans prendre le soin d‘examiner l’assertion à l’aide de données chiffrées. « Il faut valoriser les filières professionnelles, désengorger les filières générales et revaloriser le bac. », rapporte encore Le Figaro, sans demander à son interlocuteur comment la formation de Marine Le Pen envisageait la mise en oeuvre d’une telle réforme. Toutes les aspérités et les doutes qui entourent un sujet aussi brûlant que l’instruction publique sont levés, comme pour y laisser pénétrer sans heurts le Front National, à qui l’on offre l’économie d’avoir à répondre de ses intentions.

Le "Collectif Racine", ou comment le FN s'introduit à l'école sans donner son nom
Le « Collectif Racine », ou comment le FN s’introduit à l’école sans donner son nom

Or, il serait temps que la presse et la télévision acculent les membres du Front National à communiquer clairement leurs intentions. On s’apercevrait alors que le parti qui siège à  l‘extrême-droite de l’hémicycle ne porte aucun projet proprement politique. Sa lecture systématique de tout événement sous le mode binaire inclusion/exclusion coupe le FN  de toute pensée de la notion de communauté. Non, le FN de Marine Le Pen n’est pas une vaporette, cette clopinette légère que l’on peut agréablement consumer sans avoir à s’isoler dans le froid ou sous la pluie — cet objet qui revalorise l’acte de fumer en le rendant plus propre et plus social. Car le FN, quelle que soit l’attention qu’il consent à porter aux moeurs et à la démographie actuelle de la France, constitue une négation de l’idée de société : une formation pour qui tout corps étranger incarne une menace n’est capable de concevoir les rapports humains qu’en terme de fusion, et non d’association. C’est avec ou sans toi. Qui n’est pas pour est contre. Comprendront ceux qui savent que le feu brûle.

voir aussi :

Marine Le Pen : « il faut dissoudre le Syndicat de la magistrature » (Intégrales Productions)

Marine Le Pen : « l’Union européenne est comme l’Union soviétique » (Intégrales Productions)

Engagez-vous… mais pas dans la Marine ! (Intégrales Productions)

 

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Clara Schmelck
Clara-Doïna Schmelck, journaliste, philosophe des médias. Rédactrice en chef adjointe d'Intégrale - est passée par la rédaction de Socialter ; chroniqueuse radio, auteur, intervenante en école de journalisme et de communication (Celsa ...).

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