Poor kids of Teheran s’expose sur Instagram : un phénomène à suivre

Début octobre, un adolescent iranien a ouvert un compte Instagram et une page Facebook  baptisés  « Poor Kids of Tehran », pour montrer aux yeux du monde  le quotidien d’une frange représentative de la jeunesse téhéranaise, loin des clichés léchés du compte « Rich kids of Teheran », crée le 13 septembre, et qui vient d’être bloqué jeudi 9 octobre par les autorités iraniennes. 

En réaction au compte Instagram des « Rich Kids of Teheran »

 « Chaque fois que l’Iran est cité dans les médias, ils en parlent négativement. Nous essayons de montrer son aspect positif » avaient lancé les administrateurs du compte « Rich Kids of Teheran » au magazine Business Insider pour justifier la publication d’une centaine de clichés où le faste factice frise avec la délinquance dorée. Les photos montrent des scènes où des groupes de jeunes, baignés dans un décor somptueux,  s’octroyent le privilège de braver les lois du pays.

Créée il y a moins d’un mois, la page a attiré près de 90 000 abonnés. L’initiative des Rich Kids peut paraitre audacieuse, compte tenu du système répressif iranien, où une chevelure de jeune fille laissée  au vent et un verre de vin au coin d’une table sont prohibés.

Mais, n’est-il pas indécent d’être fasciné par des jeunes, fussent-ils iraniens, qui n’ont d’autres prises de vue à présenter que des piscines d’eau pâle bordées de femmes siliconées pareilles à des pilonnes de marbre lisse ? N’est-ce pas là des standards américains vieux de quarante ans ? Il existe partout dans le monde des jeunes gens fortunés qui ont davantage d’imagination à partager.

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Aux yeux de certains observateurs, la jeunesse iranienne a mieux à faire pour s’émanciper que de verser dans ce qu’on pourrait appeler le « grégaire-vulgaire ». C’est en réaction à ce compte qu’un twitto iranien a ouvert, début octobre, les comptes instagram et Facebook  » Poor Kids of Tehéran « , conçus comme un pastiche de « Rich Kid of Teheran ». La page indique que son intention est de « sensibiliser la population aux enfants pauvres de Téhéran ».

Au cours des huit années où Mahmoud Ahmadinejad était au pouvoir, le pourcentage de familles vivant sous le seuil de pauvreté est passé de 22 pour cent à plus de 40 pour cent.

Conscience de classe ? 

Ce qui est étonnant, ce n’est pas que la jeunesse dorée de Teheran voit son compte Instagram bloqué depuis le 9 octobre par la censure du gouvernement iranien, mais que des adolescents plus pauvres aient osé en créer un sur le même modèle.

C’est un fait nouveau que des jeunes issus de famille modestes voire démunies osent exposer des objets courants qui appartiennent à leur vie réelle sur des sites sociaux. Le monde entier s’aligne sur les codes de la jeunesse aisée occidentale. Si l’on a pas de montre en or à exhiber, un selfie duckface sur fond streetstyle fait l’affaire. Les réseaux sociaux n’étaient-ils pas, à l’origine, l’apanage d’enfants américains qui ont suivi leur scolarité dans des universités à 30 000 $ l’année ?

La réaction iranienne fera t-elle des émules sur la toile ? Un phénomène à suivre.

 

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Clara Schmelck
Clara-Doïna Schmelck, journaliste, philosophe des médias. Rédactrice en chef adjointe d'Intégrale - est passée par la rédaction de Socialter ; chroniqueuse radio, auteur, intervenante en école de journalisme et de communication (Celsa ...).

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