Violences faites aux femmes : aux médias de faire tomber les masques

Le 25 novembre est la journée internationale consacrée à la lutte contre les violences faites aux femmes. Sur nos time-lines, s’affichent des suites de statistiques sur les femmes victimes de violences conjugales avérées. Mais, derrière les chiffres, les médias déchiffrent encore trop peu les violences insidieuses.

Montrer les violences insidieuses

Andres Kudaki (Associated Press), s’attendait-il que sa photographie de Carmen, une femme espagnole de 85 ans expulsée de son domicile le 22 novembre, soit interprétée sur Twitter comme un des visages exténués de la violence faite aux femmes ?

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La précarité : une violence qui ne dit pas son nom. Une violence à l’origine de tant d’autres. Une femme en carence de ressources financières risque de se voir liée à une personne qui profite de sa situation pour l’humilier à discrétion.

L’association suisse Care estime que la violence faite aux femmes n’est pas seulement un fait culturel. Le sexisme n’est qu’un paramètre parmi d’autres. Ce sont surtout les inégalités sociales et économiques qui sont à l’origine des agressions physiques et verbales infligées ; et cela explique pourquoi les femmes sont plus effectivement plus nombreuses que les hommes à subir la violence d’un tiers.

En Europe, les femmes restent moins intégrées que les hommes sur le marché du travail. Selon l’Observatoire des Inégalités, le salaire moyen des femmes en Europe est en moyenne inférieur de 18% au salaire horaire moyen des hommes, ce qui a un impact également sur les retraites. En France, une famille sur cinq est aujourd’hui composée d’enfants et d’un seul parent, en l’occurrence la mère, dans 85 % des cas. Leur taux de pauvreté est évalué à 35 % par l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (Onpes), soit 2,5 fois plus que l’ensemble des familles.

Pour établir son classement des pays où la condition des femmes est la plus égale à celle des hommes, le Forum économique mondial (WEF) a pris en compte le système juridique en matière de droits des femmes, de l’accès à l’éducation et à la santé, de la capacité à gravir les échelons d’une entreprise, ou encore du taux de féminisation de la scène politique.
Avant même d’être un hématome sur une joue blême, avant même d’être une dégradante remarque machiste, la violence faite aux femmes est le fait d’un système insidieux d’inégalités. Or, dès qu’il est question de préjudices infligés aux femmes, les médias ont tendance à n’en retenir qu’un seul facteur, à savoir les préjugés sexistes.

Le rôle des médias

A cet égard, un paradoxe demeure : les médias dénoncent unanimement le principe de violence faite aux femmes, tout en reproduisant des stéréotypes sexistes qui entretiennent ces violences. Et pas seulement en montrant des femmes figées dans des poses parfois avilissantes.

La façon dont la presse traite les préjudices intentés intentionnellement aux femmes atténue souvent, voir efface le caractère violent des actes commis. Une attitude non dénué de violence à l’endroit des femmes.

Dans les colonnes du quotidien français Libération, le collectif de femmes journalistes Prenons la Une s’attaque à des abus de langage fréquents dans la presse française. Lorsque la violence faite aux femmes par les hommes s’interrompt par un meurtre, les rubriques « faits divers » parlent volontiers de « drame » ou de « crime conjugal ». Dans la presse locale américaine, il arrive d’ailleurs même que le terme de « meurtre d’honneur » soit employé.

Tout cela contribue à minimiser la responsabilité du meurtrier présumé : l’acte de violence est occulté par un récit baigné d’archétypes romanesques. « Il n’y aurait que de l’amour déçu et des meurtriers malgré eux », s’indigne Prenons la Une. L’élément perturbateur, c’est la femme.

« Les femmes en situation de violence doivent comprendre grâce aux médias qu’elles ne sont pas responsables de la situation qu’elles subissent, et qu’elles peuvent s’en échapper. », veulent espérer les journalistes de Prenons la Une.

En Espagne, des médias ont adopté dès 2001 une charte de bonnes pratiques journalistiques sur le traitement de la violence faite aux femmes.

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Clara Schmelck
Clara-Doïna Schmelck, journaliste, philosophe des médias. Rédactrice en chef adjointe d'Intégrale - est passée par la rédaction de Socialter ; chroniqueuse radio, auteur, intervenante en école de journalisme et de communication (Celsa ...).

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