Tunisie : et maintenant quoi ?

avec notre correspondant à Tunis Mehdi el Fintar

Les attentats meurtriers du Bardo survenus mercredi 18 mars 2015 en plein coeur de Tunis ont donc été revendiqués par l’organisation Etat islamique. Illustration de plus que le fléau terroriste a déjà largement dépassé les frontières de la Libye et que l’EI dispose désormais aussi de ramifications à l’intérieur même de la Tunisie. Daech (« Dawlat islamiya fi ‘iraq wa sham ») a évoqué ce jeudi dans un enregistrement audio « une attaque bénie contre l’un des foyers des infidèles en Tunisie musulmane », attribuant ces faits odieux à deux « chevaliers du califat, Abou Zakaria al-Tounsi et Abou Anas al-Tounsi ». Un attentat qui a fait au moins 20 morts, dont au moins deux Français, et pose sérieusement la question d’une intervention étrangère dans la Libye voisine, gangrénée par les fondamentalistes. Décryptage.

 

L’onde de choc provoquée par l’attaque terroriste de mercredi dans la capitale tunisienne n’a pas encore fini de se répandre aux quatre coins du globe que déjà se pose la  question des moyens à mettre à disposition de cette démocratie naissante pour lui permettre de se prémunir à armes égales contre les terroristes. Si l’on a d’abord cru hier que l’attaque visait en priorité le parlement jouxtant le musée du Bardo à Tunis -où la question des moyens à mettre en place pour combattre le terrorisme était à l’ordre du jour-, les éléments plutôt circonstanciés fournis par les terroristes eux-mêmes indiquent clairement que leur cible était bel et bien le musée, et par extension donc les touristes nombreux à le visiter chaque jour.

« Il faut aider la Tunisie », claironnait ce jeudi Alain Juppé, évoquant « un traumatisme profond pour le peuple tunisien qui est notre ami ». L’attaque prouve au moins une chose : la Tunisie que l’on a crue à tort à l’abri du viseur fondamentaliste, n’a jamais cessé de demeurer au coeur des préoccupations des terroristes, soucieux visiblement de saper le processus démocratique acquis dans la douleur, quatre ans après le début de la révolution de jasmin. L’objectif clair des fondamentalistes est ainsi de parvenir à dissuader les touristes de se rendre en Tunisie, alors que démarre tout juste la saison touristique dans ce pays. Une saison que le quotidien français Libération semblait déjà qualifier de morte-née…

Le musée Bardo de tunis regroupe une impressionnante collection de mosaïques orientalistes. Il est visité par des centaines de touristes chaque jour.
Le musée Bardo de tunis regroupe une impressionnante collection de mosaïques orientalistes. Il est visité par des centaines de touristes chaque jour.

Faux, semblait lui répondre ce jeudi le Syndicat des tour-opérateurs français (Seto) dont le président minimisait l’impact des évènements tragiques de la veille sur d’éventuelles vagues d’annulation massives : « les clients restent solidaires, on n’a pas eu de vague d’annulations », précisait ce jeudi René-Marc Chikli, à l’occasion du Salon Mondial du Tourisme à Paris.

Au-delà de l’impact sur le tourisme lui-même, secteur qui représente à lui seul plus de 10% du PIB, c’est aussi la sécurité des voyageurs qui se pose, qui est véritablement au coeur du problème. De gauche comme de droite, les hommes politiques français ont tous réaffirmé le soutien inconditionnel de la France à son « amie » tunisienne, mais aucune promesse concrète n’a encore été faite, au lendemain de la visite ce mercredi du ministre tunisien des affaires étrangères, qui a rencontré notamment Claude Bartolone, le patron de l’Assemblée, convaincu lui qu’il faut « aller plus loin » dans la coopération et le soutien économique entre les deux nations. Et d’évoquer un soutien également militaire pou..r permettre à la Tunisie de faire face.

Mais la principale question que soulève l’attaque sanglante du Bardo, c’est le degré d’intoxication du fléau libyen, sachant que deux villes importantes de l’est de ce pays sont toujours sous contrôle de Daech, à savoir Sirte et Dernaa.

Incontestablement, même si les attaques ont effectivement été perpétrées par des ressortissants tunisiens, la machine de destruction qui gagne du terrain dans le pays voisin où désormais même les islamistes considérés comme « modérés » sont partis en guerre contre l’EI a de fortes chances de continuer à faire plus de dégâts, comme l’estiment d’une même voix les autorités tunisiennes, mais également désormais aussi des figures politiques influentes de France ou encore d’Italie, dont certaines estiment qu’une intervention étrangère -appelée de ses voeux par la chancellerie italienne- apparait comme la seule solution pour éviter une contagion trop rapide, susceptible de prendre de court les autorités tunisiennes.

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Farouk Atig
Farouk Atig, ancien grand reporter, conférencier et enseignant, dirige Intégrales

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