Le Monde du 8 mai vu depuis Facebook

Quand des contenus produits par Le Monde sont vus depuis #Facebook, un papier « à clic » est plus visible que ne le sont des article portant sur les commémorations du 8 mai.  Résultat : la hiérarchie de l’information vécue par les lecteurs qui s’informent depuis Facebook n’est plus la même que celle décidée par la rédaction du journal. 

 

« Et si vous vous faisiez sodomiser par votre compagne ? » titrait le 8 mai le journal Le Monde, ce quotidien français qui fait référence à l’étranger.

A travers un titre aussi prescriptif, le journal s’introduit dans la sphère de l’intime exactement à la manière d’une institution religieuse. Là où les églises nomment des pratiques sexuelles en vue de les interdire, l’article en question agit identiquement en nommant « le chevillage« , cela pour suggérer non pas de ne pas faire, mais de faire. L’impératif modulé au conditionnel fait passer l’ordre pour une suggestion.

D’où de vives réactions des lecteurs sur Facebook. Et, puisque l’occurrence d’un contenu de presse dans le flux Facebook des utilisateurs est fonction du nombre de réactions générées par l’article, le papier en question a été rendu visible à de nombreuses reprises par un grand nombre d’utilisateurs qui ont « liké » la page du Monde. Autrement dit, le nombre d’occasions de voir cet article plutôt qu’un autre issu du Monde a été décuplé par Facebook.

Dans la journée, le titre aura été discrètement été remplacé par « Les mille vertus du chevillage« , donnant un aspect pseudo-technique au billet, à présent plus descriptif que prescriptif. Reste à expliquer tout cela aux  bricoleurs du dimanche qui pensaient trouver des conseils en charpente.

Dans quel monde lit-on ?

On ne peut pourtant pas porter grief au journal Le Monde d’avoir mis en avant un tel papier, qui fait partie d’une chronique dominicale sur le site Le Monde fr. C’est bien le réseau social Facebook qui a  exacerbé l’importance de cette production écrite, en lui confèrant une visibilité aussi importante que les articles sur les commémorations du 8 mai 1945 : capitulation de l’Allemagne nazie et massacres de Sétif, Guelma et Kherrata. C’est bien le réseau social qui, par le jeu des réactions (likes, commentaires), a déséquilibré la hiérarchie de l’information pensée par la rédaction du quotidien. Tel est le risque que représente désormais pour un journal la production de contenus à fort potentiel de clics.

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Clara Schmelck
Clara-Doïna Schmelck, journaliste, philosophe des médias. Rédactrice en chef adjointe d'Intégrale - est passée par la rédaction de Socialter ; chroniqueuse radio, auteur, intervenante en école de journalisme et de communication (Celsa ...).

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