Le quotidien belge Sudpresse (Rossel) propose à ses lecteurs de connaître le nombre de « musulmans » dans leur commune, remarquait ce 25 mai le journaliste belge Nicolas Becquet (L’Echo). Pousser ses lecteurs à géolocaliser telle ou telle population relève d’une pratique doublement contestable.
Le journal se base sur l’estimation d’un ancien chercheur de la KUL, l‘Université Catholique de Louvain pour oser : « 781.887 musulmans vivent en Belgique: découvrez la carte, commune par commune ».
Dans les colonnes du même titre, le sociologue Jan Hertogen explique sa méthode, qui est loin d’avoir une valeur scientifique puisqu’elle fait l’économie de la définition de la notion même qui est l’objet de l’étude, à avoir celle de « musulman ». « La méthodologie que j’utilise est établie au départ du nombre d’habitants issus de l’immigration et installés en Belgique depuis 1945. Des données qui sont disponibles par nationalité pour chaque commune, province et région de Belgique. De ces données, je tiens compte des naissances, des décès mais aussi des migrations.» Donc, le « musulman » est, selon cette voie de calcul, un individu exogène ou le descendant d’un individu exogène. Le terme de « musulman » ne renvoie donc pas une option spirituelle, à des meurs ou à une pratique, mais à une origine géographique.
De l’info ?
Est-ce à un journal d’information de reprendre sans le filtre de la critique des données aussi biaisées, cela de surcroît en vue de les proposer à ses lecteurs comme un moyen pour eux d’avoir le pouvoir de cibler, voire d’identifier les citoyens « musulmans » qui vivent près de chez eux ? Le but est sensationnel : il s’agit de susciter chez le lectorat une bouffée de panique (« Où sont-ils ? ») et de désir d’aller épier les moeurs de son voisin.
En février dernier, une ‘Une’ d’un journal du groupe Sudpresse (La Meuse) avait attiré l’attention du Conseil de déontologie journalistique belge à cause de son titre : « Invasion de migrants: la Côte belge menacée! « .
Contre-pied
Des lecteurs belges ont décidé de prendre SudPresse à contre-pied et de profiter de cette publication pour mettre en lumière la discrimination dont font l’objet les croyants musulmans, souvent privés d’un lieu de culte amène dans les pays européens.
« Grâce à Sudpresse.be, j’ai découvert aujourd’hui qu’il y avait 96 personnes de confession musulmane dans ma commune de Eghezée. Pourtant, à ma connaissance, il n’y a aucun lieu de culte mis à leur disposition, ironise le journaliste Damien Van Achter sur sa page Facebook. « Je ne trouverais pas anormal que le conseil communal offre à ces 96 personnes un lieu adéquat afin qu’elles puissent exercer leur culte de manière libre et dans les mêmes conditions de chauffage et d’hébergement que les tous citoyens de la commune d’autres confessions religieuses« , poursuit-il.
Emilie Rached
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