Fillon, ce Chirac qui n’a pas réussi

EDITO

Secoué par les affaires, François Fillon, candidat LR à l’élection présidentielle de 2017, aurait lancé à ses équipes : « Maintenant je fais du Chirac. Je bombe le torse et je fonce dans le tas ! ». Sauf que Fillon n’est pas Chirac.

En politique, l’absence de probité dans les moeurs publiques n’est pas une grande nouveauté. Inutile de procéder à une revue de littérature sur le sujet. Inutile aussi de dire qu’elle n’a ni parti ni coloration idéologique.

Mais, il semble que François Fillon ait inauguré une forme inédite de malhonnêteté , qui va bien au delà du détournement de fond public, de la corruption et du mensonge qui permet d’ordinaire à un escroc de haut vol de passer le plus de bon temps possible en cavale.

Le Thénardier de Sablé, rejeton biberonné aux affaires du RPR, ne fait pas seulement mentir et s’énerver devant les journalistes toujours trop curieux : il assène à l’encensoir des leçons de conduite à ses compatriotes tandis-qu’il continue de s’empiffrer sous leur nez. « Faites ce que je dis, pas ce que je fais« . Le pesudo-jésuite en voiture de course paraît mépriser le peuple Français presque comme on humilie des ennemis.
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Appartements, fonds occultes, voyages, repas gargantuesques, postes fictifs et pistons en or et autres passes-droit : Chirac, l’artiste de la magouille, faisait toujours en sorte que les largesses qu’il s’autorisait bénéficie aussi à son clan élargi, et pas exclusivement à sa descendante immédiate. Il donnait le change, au sens littéral du terme.

Voilà pourquoi l’opinion, globalement, laissait passer : lors de l’élection présidentielle de 2002, le candidat sortant Jacques Chirac, bien qu’empêtré dans les affaires, recueillait tout de même 19% des suffrages au premier tour du scrutin. Il n’est pas certain que le candidat investi par la droite républicaine atteigne le même score en 2017. Il y a assurément une dissymétrie dans la perception collective de la malhonnêteté en politique.

Il faut dire aussi que Chirac n’avait pas à subir les cris d’oiseaux qui, en permanence sur Twitter, sapent le positionnement stratégique identitaire d’image de François Fillon. On l’a vu à la fin de son second mandat : Chirac avait certes de plus en plus de difficulté à déployer sa communication sur le terrain médiatique,  mais cela dans un contexte où la maturité informationelle de l’opinion n’était pas aussi forte qu’à l’heure des réseaux sociaux. Aujourd’hui, les citoyens sont au quotidien des utilisateurs qui revendiquent le droit à toujours davantage de transparence de la part du personnel politique.

Enveloppée d’une aura, la figure de Chirac a sédimenté l’image d’un truand sûr et superbe, coiffé d’une ardeur cinématographique. Même à ses détracteurs, il offrait ainsi une image impeccable dans le registre de la répulsion. Il incarnait la corruption, quand Fillon , lui, ne semble offrir à la France que sa face fuyante, et laisse las le « courage de la vérité », cynique au point de voler ces valeurs à ceux qui les portaient encore dans leur coeur.

A lire sur Intégrales : Affaire Fillon : comment les réseaux sociaux encouragent un changement de culture.

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Clara Schmelck
Clara-Doïna Schmelck, journaliste, philosophe des médias. Rédactrice en chef adjointe d'Intégrale - est passée par la rédaction de Socialter ; chroniqueuse radio, auteur, intervenante en école de journalisme et de communication (Celsa ...).

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