Pologne : des médias privés d’opposition ?

Après avoir tenté de prendre en main les médias publics, la majorité ultraconservatrice au pouvoir à Varsovie (PiS), au pouvoir depuis octobre 2015, entend, au moyen de différents leviers, s’arroger le contrôle quasi-exclusif des médias privés.

En décembre 2015, les députés et sénateurs polonais ont approuvé une loi qui met fin aux mandats des ­dirigeants de la radio et de la télévision publiques, et qui prévoit que leur désignation soit la prérogative du ministre du Trésor, qui pourra aussi les révoquer.

En décembre 2016, le pouvoir entreprend de s’attaquer aux médias privés. Un texte de loi, visé par la diète, la chambre basse polonaise,  prévoyait que le nombre de chaînes de télévision autorisées à enregistrer les séances au Parlement sera limité à cinq et le nombre de journalistes accrédités à deux par organe de presse avec un accès limité voire interdit à la salle de presse dans l’hémicycle. Tollé. Le projet est ajourné.

« Repoloniser » les médias privés

Pour autant, le PiS ne compte pas laisser se développer une pléthore de médias libéraux dont les positions éditoriales, les intérêts et les capitaux, selon ses vues, viennent trop souvent de l’étranger. L’objectif officiel du PiS, parti souverainiste, est de « supprimer les monopoles » et de « repoloniser » le marché médiatique. Le président du parti au pouvoir – Droit et justice (PiS) –, Jaroslaw Kaczynski, argue  : « Une réforme des médias est nécessaire. Nous voulons qu’ils tendent vers la vérité, au lieu de s’engager dans un conflit politique. Il faut mettre en œuvre des lois de suppression des monopoles qui vont réguler ce marché. »

Newsweek polska
Newsweek polska

En d’autres termes, il s’agit de brocarder les journalistes qui travaillent dans des médias à capitaux étrangers, car cela les retrait incapables d’être objectifs et de défendre les intérêts polonais.

Dans le collimateur du PiS, se trouve notamment le tabloïd Fakt, propriété du groupe de presse germano-suisse Ringier Axel Springer, et qui se vend à plus de 300 000 exemplaires par jour, la chaîne de télévision TVN, contrôlée depuis mars 2015 par la société de médias américaine Scripps Networks Interactive ainsi que l’hebdomadaire Newsweek, détenu par le groupe Axel Springer. Ces deux médias, dont la ligne éditoriale est libérale, n’hésite pas à critiquer le PiS.

Ruiner les médias d’opposition

Outre le texte de loi, le boycott est le second moyen d’actions du gouvernement pour couler certains journaux privés. Ainsi, le  pouvoir a imposé aux administrations publiques de retirer leurs abonnements à la Gazeta Wyborcza, ce qui représente un manque à gagner de plusieurs milliers d’exemplaires par jour, et à demander aux instances publiques de cesser de s’y abonner. Enfin, les entreprises publiques ont été sommées de cesser d’être des annonceurs éventuels de la Gazeta. Résultat : fin 2016, le journal a dû licencier près de 190 personnes, soit environ 20 % de ses effectifs.

 

Sanctions européennes ?

On l’ a vu en Hongrie, quand l’UE a voulu sanctionner la mainmise de Victor Orban sur les médias en taxant les médias indépendants sur internet : il est à craindre que les sanctions européennes manquent d’efficacité.

D’ailleurs, le gouvernement polonais a tout simplement formellement rejeté lundi 20 février les critiques de la commission Européenne. Selon Varsovie, les lois adoptées, dont celles concernant les médias publics et privés, sont conformes aux standards européens et l’Etat de droit n’est pas menacé en Pologne.

La Pologne est passée en 2016, dans le classement de la liberté de la presse de Reporters sans frontières, de la 18e à la 47e place mondiale.

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Emery de la Batue

Emery de la Batue

Emery de la Batue, community manager pour divers médias, partage ses activités entre Paris et Washington DC. Il et de chargé de la veille médias et de la rédaction de news à Intégrales Productions.

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