Depuis six mois, la chaîne cryptée ne paie plus les droits d’auteurs de ses collaborateurs alors qu’elle y est obligée contractuellement. Cela représente une somme excédant 50 millions d’euros. D’où le courroux des sociétés d’auteurs (Sacem, SACD, Scam, ADAGP) chargées de collecter ces droits : le 5 juillet, elles ont saisi la justice en vue de faire exécuter les contrats.
A l’heure où les gens regardent de plus en plus de séries, et consomment de plus en plus de programmes, les droits d’auteurs de ces fictions sont de plus en plus menacés. Du moins, chez Canal+, filiale du groupe Vivendi, sous le contrôle de Vincent Bolloré.
Une trentaine de contrats en cours lient des entités du groupe Canal+ (C8, CNews…) à des sociétés d’auteurs (Sacem, SACD, Scam, ADAGP) dont le rôle est de collecter les droits dus aux auteurs par les télévisions, radios et nouveaux médias en contrepartie de la diffusion de leurs oeuvres (musiques, films, séries, etc).
Le dispositif stipule que le groupe doit s’acquitter de droits calculés en fonction du chiffre d’affaires, tous les trimestres. Fin 2016, le groupe Canal+ a tenté de s’octroyer un privilège en contactant ces sociétés « afin d’obtenir un rabais d’entre -60 et -80% sur ces contrats.Sa dette aux sociétés d’auteurs s’élève pour l’instant à environ 50 millions d’euros, selon Les Echos et Télérama.
En conséquence, les quatre sociétés d’auteurs, la SACD, la Sacem, la Scam et l’ADAGP, ont assigné Canal+ en justice pour non-respect de leurs obligations contractuelles. Cette première assignation déposée au tribunal de grande instance de Nanterre concerne la chaîne Canal+. Des assignations à d’autres entités du groupe, notamment à Canalsat, pourraient suivre.
La ministre de la Culture est intervenue dans le dossier mercredi 5 juillet pour appeler à « une conclusion rapide des discussions en cours » entre Canal+ et les sociétés d’auteurs. « Aucune stratégie de réduction des coûts, fût-elle justifiée par la volonté d’améliorer la situation financière, ne saurait exonérer une entreprise des obligations qui découlent de ses contrats avec les sociétés d’auteurs« , a souligné le cabinet de la ministre de la Culture dans un communiqué rédigé après un entretien avec les dirigeants du groupe Canal+.
Dans un communiqué commun, cinq organismes de défense des droits des créateurs et artistes (Snac, ATAA, UCMF, Unac, Upad), menacent quant à eux « d’interdire la diffusion de leurs créations sur les chaînes du Groupe Canal+ » si le droit d’auteur, qui représente le salaire de l’auteur, venait à être menacé pour devenir une variable d’ajustement des comptes de Canal +.
Françoise Nyssen a garanti qu’elle inscrivait « la juste rémunération des auteurs et des créateurs » au coeur de ses priorités. « J’en fais un combat essentiel au niveau national et au niveau européen, dans le cadre de la révision de la directive sur le droit d’auteur« , a répété la ministre de la culture. De nouveaux audits en vue ?
« Navrant pour la création »
« La grande distribution emploie les mêmes méthodes quand elle pressurise les paysans ! C’est navrant pour la création. » juge Pascal Rogard, directeur général de la SACD, dans un entretien accordé à Télérama.
Romain Benard et Vincent Rebouah, membres de la team créa chez Grenade & Sparks, ont imaginé une série de posters où les logos des séries dénoncent la situation. « Le bureau des légendes » devient « Le tombeau des légendes » ; « Les Revenants », « Les Sans Revenus » ; « Braquo », « Braqué » ; et « Versailles », « Versaïe ». (Source : l’ADN).
Alors que Bolloré s’attaque aux sociétés d’auteurs, dont il conteste, sans fondement juridique, la collecte des droits, France Télévisions insiste sur son intention de renouveler son offre de séries françaises. Lors de la traditionnelle conférence de présentation de la grille de rentrée du groupe audiovisuel public, la patronne de France 2, Caroline Got, a indiqué que le curseur serait mis « sur la création française et sur la fiction française ». Au programme, 74 soirées inédites, soit 11% de plus que cette saison et trois nouvelles séries de 52 minutes« L’art du crime » (6 épisodes), « On va s’aimer » (8 épisodes) et « Le chalet » (8 épisodes). En clair.
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