Olivier Schrameck conjecture les dispositifs d’une régulation élargie et assouplie du CSA


Convive de l’AJM le 28 novembre 2017, le président du CSA, Oliver Schrameck, a conjecturé les dispositifs susceptibles de mieux intégrer les médias numériques au cadre légal de la régulation de l’audiovisuel sans toutefois faire de l’autorité de régulation un « big brother », selon ses propres mots.

Invité le 28 novembre à un déjeuner organisé par l’Association des Journalistes Médias (AJM), le président de Conseil supérieur de l’audiovisuel, Olivier Schrameck, s’est prononcé en faveur de l’extension du champ des prérogatives du CSA. D’entrée de jeu, il a affirmé qu’il approuvait la décision sur l’élargissement de la régulation du CSA vers la vidéo en ligne prise la semaine dernière par le pouvoir exécutif : « Bravo ! Cela fait 5 ans que je défends cette idée ! » . Devant les journalistes de l’AJM, il reconnaît d’ailleurs en avoir discuté préalablement avec le président de la République, Emmanuel Macron.


« Pour qu’une régulation soit efficace, il faut qu’elle soit complète »

« A quoi bon réguler l’audiovisuel ? », se demandent certains acteurs. Si des youtubeurs se comportent en prescripteurs normatifs invitant explicitement à la haine, pourquoi ne pas simplement les traduire en justice ? « La régulation* est un moyen de surveillance qui permet d’anticiper l’action pénale », chose d’autant plus importante que « le temps médiatique ne correspond pas au temps judiciaire » , justifie le président du CSA. Et, selon lui, les citoyens sont en demande de davantage de régulation. Il en veut pour preuve le fait que le nombre de signalements auprès du CSA a été multiplié par dix en deux ans : « Il y a avait 8000 saisines en 2015, 40 000 e 2016 et 80 000 saisines en 2017 » ; « le CSA a gagné un capital confiance dans l’opinion ». Mais, « Pour qu’une régulation soit efficace, il faut qu’elle soit complète », abonde t-il.

Dans cette perspective, « un service de média audiovisuel doit être entendu comme un service relevant de la responsabilité éditoriale d’un fournisseur de services de médias, ayant pour objet principal la fourniture de programmes dans le but d’informer, de divertir ou d’éduquer le grand public et mis à disposition via des réseaux de communications électroniques. » (Source : site du CSA). Les jeux video en ligne, par exemple, entrent dans cette définition.

« Nous sommes en train de passer d’une offre programmatique a priori à une demande délinéarisée et intermittente », met en contexte Olivier Schrameck. La régulation du collège indépendant que constitue le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut-elle s’appliquer aux services de médias audiovisuels indépendamment de leur technologie, de leur plateforme de distribution et de diffusion — autrement dit, le flux indéfini de contenus sur le net est-il soluble dans les limitations des règles du droit, et si oui, par quels instruments judicatoires, par quels moyens et à quelle échelle ? A des règles générales, il conviendra de préférer une règlementation sur mesure, répond en substance Olivier Schrameck.

Assouplir la règle

Olivier Schrameck a rappelé que le cadre légal de la régulation de l’audiovisuel datait de 1986 (Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication). En dépit de 83 retouches, dont 12 lors de la dernière législature, rien n’avait été engagé depuis la « loi Léotard » pour aborder structurellement les médias numériques. Or,  « On ne peut pas concevoir de régulation élargie sans l’assouplir », juge le président du CSA.

Il conjecture trois cadres assouplis de la régulation : une auto-régulation des plateformes, dont les protagonistes pourraient être motivés et récompensés par des avantages comme par exemple des assouplissements de régulation ou des avantages dans la chronologie des médias, la co-régulation entre les plateformes et l’autorité de régulation et enfin, la régulation participative, où le CSA pourrait s’appuyer notamment sur des «lanceurs d’alerte». 

Agir à l’échelle européenne

Mais quid des plateformes ou émissions en ligne hébergées sur des serveurs à l’étranger ? En décembre 2016, le Conseil supérieur de l’audiovisuel déclarait mettre en garde l’émission diffusée sur YouTube « Les Recettes Pompettes », au motif de « propagande en faveur de l’alcool ». Un an plus tard, « Monsieur Poulpe » annonce le retour de son émission en janvier 2018 depuis un serveur britannique. « Une sorte de Brexit à l’envers », déplore Olivier Schrameck. Un exemple qui lui permet d’avertir : « Beaucoup de ce qui sera fait au plan national ne pourra l’être que sur une base européenne ».

A cet égard, le projet de directive européenne SMA (services de médias audiovisuels) doit être transposée dans le courant de l’année 2018 en droit français et présentée devant le parlement. Le 23 mai dernier, les ministres européens de la Culture avaient alors conclu un accord sur la révision de la directive sur les SMA. Le texte impose aux réseaux sociaux (Twitter Facebook, You Tube…) de « mettre en place des outils de signalisation des contenus litigieux et des procédures de retrait rapide des vidéos diffusant des discours haineux ».


Le serpent de mer des Fake News

Dans un second temps, est venue sur la table la question corolaire de la mise en place de dispositifs relatifs à la déformation délibérée de l’information (Fake News) sur les plateformes numériques. Là encore, comment le CSA peut-il exercer son autorité sans pour autant contrevenir à la liberté d’expression et au principe de séparation des pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire) ?

Le cas du site RT (ex-« Russia Today ») est exemplaire . « Nous observerons constamment » prévient olivier Schrameck à propos du lancement imminent de la déclinaison française de la chaîne éponyme. Il estime que les récentes nouvelles du comité d’éthique de ce média audiovisuel ne sont pas « pas satisfaisantes ».

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* Sur quoi porte exactement la régulation du CSA ? « L’identification des fournisseurs de services de médias audiovisuels responsables du contenu afin d’assurer une meilleure protection des utilisateurs ; l’interdiction de l’incitation à la haine ; les normes en matière de communications commerciales ; l’encadrement juridique du placement de produit ; la chronologie des médias ; la prise en compte de l’objectif politique d’un meilleur accès des handicapés aux services de médias audiovisuels. » (Source : site du CSA)

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Clara Schmelck
Clara-Doïna Schmelck, journaliste, philosophe des médias. Rédactrice en chef adjointe d'Intégrale - est passée par la rédaction de Socialter ; chroniqueuse radio, auteur, intervenante en école de journalisme et de communication (Celsa ...).

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