Reportage à Strasbourg, par Farouk Atig
Cet après-midi du 31 mars, en pleine place Kléber, la place la plus commerçante et centrale de Strasbourg, le collectif Vegan 269 est venu troubler les envies d’agneau pascal. A mi-chemin entre la manif militante et le happening artistique, le collectif a repeint la place. C’est une boucherie sanglante en plein coeur de capitale européenne censée alerter l’opinion de la maltraitance animale à des fins commerciales. Enquête sur une nouvelle forme de lutte politique.
« 269 est à l’origine le matricule d’un veau sauvé de l’abattoir. », lance Rick, un militant d’une quarantaine d’années », qui se revendique aussi et pour les mêmes raisons « zadiste activiste ».
Ce collectif plaide que « le respect de l’animal s’incarne dans la volonté de construire une société végane, notamment débarrassée de l’industrie du meurtre prémédité et du commerce d’organes. » Très actif dans toute la France depuis quelques années, 269 veut faire changer les regards sur la consommation de viande.
« Nous espérons, à travers ce happening, alerter les consommateurs sur une industrie mortifère à laquelle ils participent tous, alors qu’il y a plein d’alternatives alimentaires viables pour l’humain », nous explique un organisateur, déguisé en boucher, les mains rouges de peinture.
Des simulations de sang, des cris, du bruit, des femmes accroupies enchaînées par des hommes en situation de domination extrême : le happening n’a rien du veganisme healthy bon teint qui fleure bon le bobo parisien. Ici pas de steak de tofu à 120 calories et 12 euros. L’industrialisation intensive cause souffrance aux bêtes (cf notre grande enquête en France sur boucheries chevalines), et 269 veut le montrer en faisant « flipper les gens », reconnaît Julia, qui se présente en tant qu’étudiante en Master de psychologie.
« Vous avez envie de vous faire bouffer, vous ? »
« L’animal est une personne à part entière. Le carnivorat et le cannibalisme sont quasi-sensables. », tranche Julia. Elle regarde ma caméra avec commisération : « Vous avez envie de vous faire bouffer, vous ? »
« Macron », « le patriarcat » et « le libéralisme » sont aussi posés sur l’autel rouge des contestations indignées. Un peu en vrac. Un parallèle parait évident à certains entre « Parcoursup », qui dévaloriserait les étudiants les moins entourés et les milliers de bêtes impuissantes que l’on conduit quotidiennement à l’abbatoir.
Comme si parler des animaux permettait aussi de faire passer un message sur la façon dont sont traités les humains.
« Il faut abolir toutes les religions, tous ces bouffeurs d’agneaux ! » lance une jeune femme en finissant de peindre une banderole. Elle tient à nous préciser que sa veste en cuir est « 100% végétale ».
Le véganisme est-il un mouvement politique ? Différents courants se rencontrent ici. « Les revendications correspondent à une critique post écologique néo-marxiste de l’exploitation de l’homme par l’homme, teintée de propos anti-religion, anti-bourgeoisie, anti startups, anti-Bruxelles », tente d’analyser un libraire localisé à proximité de la place. Sophie, une lycéenne végan « depuis la seconde », relève sa mèche bleue : « oui, mais non ».
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